À travers l'identification des risques auxquels elle est exposée, une société reflète les peurs qui la traversent, exprime les enjeux sociopolitiques, économiques qui la structurent et traduisent une partie de son identité (Niget & Peticler, 2012). Chaque époque ou contexte culturel définit et perçoit le risque d'une façon qui lui est propre tant il est vrai que ce concept difficile à appréhender, un savoir à propos d'un non-savoir (Hansson, 2005a). Imbriqué dans des dynamiques territoriales selon où l'évènement survient, les conséquences diffèreront selon le degré de vulnérabilité des populations, des enjeux et des systèmes les reliant, constituant ainsi les territoires du risque (November, 2010). Ainsi le risque ne fait sens qu'en fonction des éléments qui le composent, à l'intérieur d'une grille de compréhension de la réalité (Vinet, 2010). La France déploie actuellement sa Stratégie Nationale de Gestion des Risques Inondation (SNGRI, 2014) car notre territoire est particulièrement exposé au risque inondation, tant sur le plan des victimes qu'en termes d'impacts économiques. Le pourtour méditerranéen se distingue par les phénomènes hydro-météorologiques de type crues rapides, difficilement prévisibles dont la soudaineté et la violence (des hauteurs d'eau de plusieurs mètres en quelques heures) engendrent dégâts considérables et sont cause de nombreux décès (Ruin, 2007). Le système institutionnel français, encore fortement emprunt de tradition jacobine, prévoit des dispositifs de gestion des risques qui s'inscrivent difficilement dans ces temporalités d'aléa. Ainsi, la prévention est du ressort du Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie tandis que la gestion de la crise relève du Ministère de l'Intérieur à travers ses services déconcentrés : Préfets (de département et de zone) et Maires. L'articulation entre ces deux ministères est le moment de l'alerte qui conditionne les instructions données aux populations pour leur sauvegarde. Il est intéressant de relever que ce moment clé relève intrinsèquement de l'interprétation qui est faite des données de Météo France et des Services de Prévention des Crues (SPC). La Loi de modernisation de la sécurité civile (Loi n° 2004-811) fait du citoyen l'acteur de sa sécurité. Comment ce dernier peut-il articuler son action avec celles menées par les différentes instances (services municipaux, préfectoraux, de secours, de police, etc) en faisant des choix éclairés des signes donnés par son environnement : données d'ordre climatique (météorologiques, précipitations), d'ordre informationnel (vigilance ou alerte météorologiques fournies par les médias), d'ordre social (comportements et attitudes de son réseau social, de ses voisins) d'ordre institutionnel (directives provenant des autorités) et par sa propre interprétation (dimensions cognitive et psychologique). Comment inscrire ce moment dans le temps long de la prévention interrogée sous l'angle de l'innovation sociale (Laville & Moulaert, 2014) ? Nous proposons ainsi de changer de paradigme afin de réinscrire l'inondation dans une réalité quotidienne à travers une réflexion issue du design social, de la psychologie environnementale et de la géographie des risques. Les terrains définis se situent dans le Vaucluse et le Gard, à travers deux communes rurales avec lesquelles nous travaillerons sur des pratiques sociales innovantes face au risque inondation.